Jean-Pierre Andrevon : 528 récits pas si minuscules... sur les intermittences de la réalité. (NOUVELLES de POCHE)

" La parole de fragment ignore les contradictions, même lorsqu'elle contredit". Cette citation de Maurice Blanchot pourrait constituer une entrée dans l'univers foisonnant de Jean-Pierre Andrevon. Un auteur très prolixe depuis mai 1968, date de publication de sa première nouvelle dans la revue FICTION. Depuis cette date, l'auteur(né en 1937) n'a pas cessé d'écrire, mais aussi de dessiner, en jetant un regard aiguisé sur le monde. Nul ne s'étonnera qu'il puisse être journaliste, critique de BD et de cinéma... peintre, compositeur et artiste engagé.

L'esprit de contradiction souffle sur ces micro-nouvelles où l'on retrouve des thèmes chers à l'auteur: la religion; les rapports entre les hommes et les femmes; le conformisme ; la bêtise...Plus fondamentalement, ces "nouvelles de poche" nous rappellent que la fragmentation en littérature est philosophique, car "non classique". Fragmenter c'est briser la syntaxe; briser un rythme; donner l'idée d'une autre grammaire, donc proposer un style. Un style de vie qui consiste à segmenter, à analyser des faits ou des êtres humains.

D'ailleurs, ces récits sont souvent des "biographèmes", c'est-à-dire des anecdotes traitant d'une personne particulière. Témoin le récit 321 sur le Pape:

"Ronaldino Scoroggia, après avoir réussi non sans mal à forcer la trappe arrière, notablement rouillée, permettant l'accès à l'intérieur du Pape, devait révéler, après examen préliminaire, que les rouages du saint homme se trouvaient dans un état pire encore que l'aspect extérieur de sa carrosserie ne le laissait craindre".

Homme d'humour noir, Andrevon s'inscrit ici dans la filiation des Surréalistes et de l'écrivain Jacques Sternberg, auteur de multiples contes brefs. La brièveté s'oppose à l'ampleur du raisonnement, mais donne néanmoins à réfléchir, notamment dans ce recueil, sur l'absurdité des dogmes dans les religions monothéistes, mais aussi sur les effets psychologiques de la société de consommation sur l'individu:

"Martin Roche, qui avait vécu dix ans durant un bonheur sans partage avec sa montre-bracelet à quartz, devint fou de douleur lorsque cette dernière s'enfuit avec un téléphone cellulaire aux trois quarts déchargé".

Il en ressort que les jeux de l'esprit et les artifices de l'imaginaire ne sont jamais gratuits chez Andrevon. Maximum de significations dans un minimum de phrases, ces pensées donnent à penser sur la montée des fanatismes, la tyrannie des individus, et l'omniprésence du "joii" au détriment du Beau, fulgurant, et donc parfois violent. Et elles font souvent allusion à l'actualité: les scandales liés au football; les intégrismes etc

528 récits rapides,pour éviter le relativisme généralisé des mots et des choses. Andrevon, nouvelliste de la brisure, pour sortir de "l'étroitesse de vue".